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Poussières du Sahara / Claude-Inga Barbey
Livre
Edité par Favre. Lausanne - 2022
Jésus, mon chien, est un être plutôt angoissé qui longe les murs et évite de marcher sur les lignes. Si je suis triste il se traîne, les oreilles basses, si je boîte, il boîte. C’est un chien extrêmement empathique. Et pour le faire obéir, plus je suis gentille, mieux ça marche. L’autre jour, nous avons croisé un bull terrier avec son maître, sans laisse. Une sorte de molosse à poil ras, court sur pattes, qui s’apprêtait à traverser la rue. Le type l’a rattrapé par le collier et lui a cinglé le dos avec la laisse avant de l’attacher serré. Constat numéro un, Il y a deux façons d’obtenir le même résultat. La douceur et la violence.
L’autre jour encore, j’étais au parc, à me les geler avec ma petite fille. Sur le banc voisin, un petit garçon prenait son goûter accompagné de son papa et de sa maman. Des biscuits à l’épeautre bio, et une gourde d’eau plate. Moi, j’avais acheté des biscuits au chocolat et une brique de thé froid à la pêche. Le petit garçon louchait avec envie sur notre goûter, et à un moment donné, il a jeté rageusement son biscuit par terre et l’a piétiné. Le père s’est tout de suite énervé. « Tu sais le nombre d’enfants qui meurent de faim dans le monde ? Ramasse, sinon on rentre.» Et la mère de renchérir : « Tu rends maman triste ». Le petit garçon s’est mis à pleurer sous la menace, affreusement coupable. Par ce simple geste, il était devenu responsable à la fois de la faim dans le monde et du chagrin de sa maman. Constat numéro deux, il y a deux façons supplémentaires d’obtenir un résultat, la menace et la culpabilisation.
Nous avons furtivement rangé notre goûter, avant de nous lever l’air de rien pour aller aux balançoires. J’ai jeté de loin un coup d’œil sur le conflit dans mon dos. Plus de désarroi dans les yeux du petit garçon, mais une rage froide. Celle de la désobéissance. Il s’était levé, et trompant la vigilance de ses parents en pleine session parlementaire, il était en train de désintégrer littéralement le biscuit à l’épeautre dans une bouche d’égout. Constat numéro trois, la culpabilisation et la menace amènent à la désobéissance. Quatre options s’offrent donc à nous si nous voulons être obéis : Empathie-Autorité-Menace-Culpabilisation. A mon humble avis, la plus efficace de ces options à long terme, reste quand même l’empathie. »
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